d'après une histoire vraie

Avec D’après une histoire vraie, paru aux éditions JC Lattès, Delphine de Vigan signe un nouveau roman déroutant et inattendu dans lequel s’entremêlent fiction et réalité, offrant ainsi une réflexion sur la littérature d’aujourd’hui.

La narratrice, Delphine, nous y raconte les deux années de son amitié avec L. – une femme dont l’identité ne dépassera jamais cette lettre à double sens. Une relation malsaine, faite de manipulation et de non-dits, qui la mènera au bord de la dépression, très loin de l’écriture : « Pendant presque trois années, je n’ai pas écrit une ligne » dit-elle ainsi en préambule. Pourtant, très vite après la parution de son dernier roman, Delphine a un nouveau projet. Rien à voir avec son précédent opus : le cataclysme qu’elle dit avoir vécu à cette occasion – les échanges très intimes et puissants avec ses lecteurs, le marathon des signatures, les prises de parole en public, véritables mises à nu – la conduit à une prise de distance sur la littérature du « vrai ». Cela ne fait aucun doute pour elle, Delphine veut revenir à la fiction. C’est sans compter la rencontre avec L….

Grâce à ce qu’elle appelle des « effets de réel », ces éléments autobiographiques permettant d’ancrer le récit dans le « vrai » – le récit des mois qui ont suivi la parution de son dernier livre, la relation avec François (Busnel), célèbre journaliste et homme de lettres – le lecteur se croit plongé dans l’intimité de l’auteur. Il suit Delphine dans ses recherches d’un nouveau thème pour son roman, dans le départ de ses enfants de l’appartement familial, et dans sa rencontre avec L. C’est à « L. » qu’est consacré ce récit sous forme de thriller, elle et l’emprise qu’elle va exercer sur la narratrice. Cette femme blonde d’une quarantaine d’années, nègre de stars, s’invite dans la vie de Delphine, fait le vide autour d’elle avant tout s’accaparer. Y compris le sujet de son nouveau roman et sa vision de la littérature : L. n’a d’yeux que pour la littérature du « vrai », celle où l’auteur crache ses tripes, quand Delphine défend la place de la fiction aujourd’hui.

Delphine de Vigan semble s’amuser à emmêler le faux et le vrai, la fiction et le réel, pour distiller le doute dans l’esprit du lecteur : autobiographie ou supercherie ? Surtout, derrière ce récit d’une manipulation, se dessine une réflexion sur la littérature d’aujourd’hui. Une réflexion sans doute amenée par l’immense succès de Rien ne s’oppose à la nuit, où elle brossait un tableau sans fard de sa mère maniaco-dépressive, qui s’est suicidée en 2008. À l’heure où de nombreux auteurs choisissent l’autofiction ou ses dérivés, quelle est la place de la fiction aujourd’hui ? N’y a-t-il de salut que pour les romans en lien direct avec le réel ?
Un joli numéro d’équilibriste servi par une écriture fluide et ciselée, à ne pas manquer.

À offrir à : Un fan de littérature policière… Car il y a du thriller dans ce roman !

La citation :

Il est évident que cette cohabitation a permis à L. de sceller son emprise et je ne suis pas sûre de lui avoir opposé une grande résistance. J’aimerais pouvoir écrire que je me suis battue, que j’ai lutté, que j’ai tenté de m’échapper. Mais je n’ai rien d’autre à dire que ce simple constat : je m’en suis remise à L. car elle m’apparaissait comme la seule personne capable de me sortir du trou.

L’anecdote : Delphine de Vigan a signé, en 2014, le film A coup sûr, passé relativement inaperçu

En pratique : Publié chez JC Lattès, 479 pages, 20 €