« Il s’appelle Max, Louis, Jonas.
Max parce que c’est un prénom qui conviendra aussi bien à une famille française qu’à une famille étrangère, au cas où une famille étrangère se porterait candidate à l’adoption.
Louis, c’est le prénom de mon grand-père que j’adorais et qui est mort il y a deux ans, et Jonas, c’est le prénom de l’ourson polaire d’une histoire que me racontait mon grand-père quand j’étais petite. Un ourson brun qui n’avait rien à faire au milieu d’une marée d’ours blancs, mais qui s’en sortait plutôt bien à force de gentillesse, de courage et d’entrain.
Des qualités qui seront peut-être celles de mon bébé, pourquoi pas. »

 

De quoi s’agit-il ?

Soixante-douze heures est un roman de Marie-Sophie Vermot paru en février aux éditions Thierry Magnier. Soixante-douze heures, c’est le délai légal dont disposent les jeunes mères après l’accouchement sous X pour éventuellement se rétracter et reprendre leur bébé. Ce sont les trois journées dont dispose Irène pour revenir sur la décision qu’elle a prise, un matin de septembre pendant un devoir de maths, quand elle a eu la certitude d’être enceinte. Dans le silence de sa chambre d’hôpital, Irène déroule le fil de l’histoire de la conception de Max puis rapidement ce sont d’autres souvenirs qui affluent : son enfance sous les yeux d’une mère dure, incapable de marques d’affection, son amitié forte avec Nour et les séjours à l’Ile de Ré, les moments avec sa grand-mère qu’elle adore… Lui parviennent aussi les éléments du passé qui ont refait surface à l’annonce de sa grossesse : la rupture de sa mère avec une homme dont elle était folle amoureuse et qui n’était pas son père, les regrets de sa grand-mère qui n’a pas pu mener la vie dont elle rêvait… Ses pensées s’entremêlent et ne sont interrompues que par les visites des sage-femmes, de sa mère, de la psy puis de l’assistante sociale. Ce bébé, qui est l’incarnation d’un moment heureux, où Irène s’est enfin sentie séduisante, attirante, dans le regard d’un garçon, lui donne depuis le début une force incroyable. Est-ce avec elle que Max pourra être le plus heureux ?

 

A qui s’adresse-t-il ?

A tous à partir de 15 ans environ. Un grand nombre de lecteurs sera sensible aux différents thèmes abordés (la maternité, les relations mère-fille, le poids des secrets…). Et d’ailleurs, c’est un roman qui se dévore (immergée dans ma lecture, j’ai ainsi pris dans le mauvais sens le RER puis le métro !).

 

Pourquoi faut-il l’avoir dans sa bibliothèque ?

D’abord pour la finesse de son analyse psychologique. Irène est un personnage complexe : sous des dehors de jeune fille fragile (du moins aux yeux de sa mère), elle possède une grande force en elle. La maturité dont elle fait preuve est bluffante. Pourtant ce n’est pas un personnage auquel on s’attache : elle est froide, très réaliste, parfois dure aussi.
La relation qu’Irène entretient avec sa mère et plus largement les liens inter-familiaux sont eux aussi décrits de manière très subtile. Irène est la fille aînée. Elle comprend rapidement qu’elle n’est pas l’enfant dont sa mère aurait rêvé : elle n’est pas blonde aux yeux bleus comme elle, elle ne fera pas de carrière artistique… La déception est au cœur de leur relation. Sa jeune sœur Eugénie, qui souffre d’un retard mental suite à un manque d’oxygène à la naissance, est carrément mise à l’écart. On ne l’appelle plus par son prénom mais par le surnom « Souricette » qui lui va bien, elle qui ne dit rien…

Ensuite, Soixante-douze heures aborde de front l’accouchement et ses suites : ce qui est toujours bienvenu pour les jeunes filles (et garçons) qui peuvent en avoir une image idyllique.

Enfin, le dessin de couverture me plaît beaucoup : l’attitude de repli de la jeune fille qui illustre en même temps la position du fœtus.. C’est bien trouvé.

Et vous, l’avez-vous lu ou prévoyez-vous de le faire ?