Fanny Ducassé est une jeune auteure-illustratrice qui a déjà six publications à son actif ! Dernièrement a paru le splendide Rosalie et le langage des plantes aux éditions Thierry Magnier. J’apprécie beaucoup son travail et son univers et j’étais très contente quand elle a accepté que l’on se rencontre. Nous avons parlé de son parcours, des premières publications et de ses nombreux projets… J’espère, si vous ne la connaissez pas encore, que cela vous donnera envie de découvrir son très beau travail.

 

 

Chapeau melon et livres en cuir : Bonjour Fanny Ducassé. Comment êtes-vous venue à l’illustration ? Et notamment l’illustration jeunesse ?

Fanny Ducassé : Je suis venue à Paris pour suivre une école de stylisme-modélisme. C’était le dessin de vêtement qui m’intéressait. Pendant ces deux années d’études, j’ai retrouvé le plaisir du dessin plus qu’auparavant. Il y avait surtout des cours pour nous apprendre à confectionner des vêtements mais pour certains cours, on devait réaliser un dossier. Ça se présentait un peu comme un livre, j’adorais ça. il fallait dessiner le personnage qui allait porter le vêtement, mais aussi définir son caractère, son univers et puis créer les vêtements autour. J’aurais pu faire ça toute ma vie ! Ça m’a donné envie de continuer à dessiner de plus en plus, et c’est là d’ailleurs que j’ai développé la technique du feutre et du stylo. Dans mes dessins, les personnages remplaçaient de plus en plus les silhouettes figées, et ça racontait de plus en plus de choses. Jamais je n’aurais pu imaginer que deux ans après je serais publiée !

C’est pendant mes études que j’ai de plus en plus développé un côté enfantin. D’ailleurs j’avais passé un entretien chez Sonia Rykiel femme pour un stage et mon interlocutrice, trouvant un côté enfantin à mes dessins, m’a orienté vers la marque enfants. J’ai aussi fait un stage chez Le Petit Lucas du Tertre, qui a aussi une marque enfants. C’est vrai que j’étais plus attirée par les vêtements pour enfants, notamment au niveau des imprimés.
Après cette école, j’ai donné des cours particulier de français et je dessinais à côté, juste pour moi. J’ai vraiment retrouvé le plaisir que j’avais quand j’étais petite. Et puis une image en particulier m’a donné envie d’imaginer une histoire.  C’est comme ça qu’est né le premier livre, De la tarte au citron, du thé et des étoiles.

 

CMLC : Quelle est-elle cette image ?

FD : C’est celle où les deux voisines sont en train de jouer au badminton dans le jardin et voient passer un petit magicien. Ce personnage m’intriguait. Et s’est passé pour moi exactement ce qu’on voit dans l’histoire : je me suis laissée aller à suivre ce petit personnage, j’avais envie de voir ce qu’il advenait.

 

CMCL : Et ensuite ? Vous avez montré quelques planches à un éditeur ?

FD : Non, j’ai tout fait dans mon coin, pour voir si ça me plaisait. Et ça m’a beaucoup plu de faire ça. Ensuite, j’ai envoyé tout le texte et les dessins finis à trois maisons d’édition que j’aimais bien, dont Thierry Magnier. Et j’ai eu une réponse très très rapide d’Angèle Cambournac qui travaillait à ce moment-là chez cet éditeur : elle me disait que ça lui plaisait et qu’elle aimerait bien qu’on se rencontre. Je n’en revenais pas ! J’étais euphorique. Donc on s’est rencontrées : elle était partante pour faire le livre avec ce que je lui avais envoyé !. J’étais très surprise car pour moi c’était juste un essai, c’était pas possible que cela marche dès la première fois.

 

CMCL : Il n’y a pas du tout eu de changements ?

FD : J’avais fait tous les dessins à des tailles différentes, je n’avais pas pensé au fait qu’il fallait les faire tous au même format ! Il a fallu parfois que je rajoute des portions de dessins, ça a surtout été ça. Et on a changé des petites choses à la marge au niveau du texte.

 

CMCL : Et depuis De la tarte au citron, du thé et des étoiles, il y a eu combien de livres ?

FD : Il y a eu Louve ensuite. C’était déjà un livre que j’avais en tête quand j’ai rencontré Angèle. Quand elle m’a demandé si j’avais d’autres projets, je lui ai parlé de Louve. Je l’ai travaillé très très vite et quand je le lui ai présenté, cela lui a davantage plu que De La tarte au citron, du thé et des étoiles, et elle a décidé donc de le faire paraître en premier. Après il y a eu Le jardin des ours, et ensuite un autre avec Cécile Roumiguière, une auteure jeunesse, au Seuil, Dans le ventre de la terre. Et ensuite Rosalie et le langage des plantes.

 

CMLC : Comment ça s’est passé exactement pour Dans le ventre de la terre, publié chez un autre éditeur ?

FD : Angèle est partie au Seuil et avait envie qu’on continue à travailler ensemble : elle m’a donc proposé le texte de Cécile Roumiguière qui m’a beaucoup plu. Et puis je n’avais jamais encore fait ce travail d’illustrer le texte d’un.e autre.

 

 

CMLC : Et Rosalie ensuite a été publiée chez Thierry Magnier ?

FD : Oui, quand ce sont des albums que j’illustre et dont j’écris le texte, je veux les présenter d’abord à Thierry Magnier car ça se passe très bien et c’est comme ça que tout a commencé.

 

CMLC : Vous réalisez à peu près un livre par an ?

FD : Oui c’est ça, je suis assez régulière.

 

CMCL : Parlons un peu de Rosalie, qu’elle a été l’idée de départ ?

FD : C’est un rêve éveillé, quand Rosalie entre dans la forêt avec l’envie d’appartenir à ce monde, elle va vouloir se faire un costume avec les plantes. Puis elle se regarde et se rend compte qu’elle n’a rien compris, qu’au contraire elle a tout fait à l’envers… Ça c’était l’un de mes rêves. Ça faisait au moins deux ans que j’avais eu cette idée mais je n’avais pas eu le temps de savoir comment je voulais broder autour, comment je voulais raconter cette histoire.
Ensuite j’ai pris beaucoup plus de temps à écrire ce texte, que j’ai écrit avant les images. Alors que pour les autres, j’avais avancé un peu à tâtons et travaillé en parallèle le texte et les images. Là j’ai eu envie de changer. Et j’ai pris beaucoup de plaisir à écrire le texte.

 

 

CMCL : Le format, tout en longueur, rappelle un peu celui de De la tarte aux citrons, du thé et des étoiles ?

FD : Oui c’est vrai. Pour De la tarte aux citrons, du thé et des étoiles, ce n’est pas moi qui avais choisi le format. A cause de ma bourde d’avoir fait des dessins de toutes les tailles, ils ont dû trouver une solution avec les moyens du bord. Pour Louve ensuite j’avais envie d’un format carré, car j’aime bien ces formats-là. Pour Le jardin des ours, comme il était question d’un jardin, je l’imaginais plus allongé, en paysage. Et celui-ci, je l’imaginais plus en hauteur, comme une plante qui pousse. A chaque fois, il faut que ça ait un peu un rapport avec l’histoire et l’ambiance, que ça soit cohérent.

 

CMCL : Est-ce que vous avez d’autres projets à venir ?

FD : Oui, chez Albin Michel, dans un tout autre genre. Un auteur a répertorié des contes de plein de pays différents, autour des abeilles. C’est très beau. C’est un 90 pages donc ça représente beaucoup de travail. Je n’arrive pas à avoir deux projets en même temps car je passe beaucoup de temps sur les dessins. J’aime bien être complètement immergée dans un projet. J’adorerais sinon faire quelque chose autour du vêtement, par exemple faire des imprimés, mais je ne sais pas du tout qui contacter. Cet été, j’aimerais bien faire des planches d’imprimés et les envoyer. Et j’ai un livre qui vient de sortir chez De la Martinière jeunesse, et qui s’appelle C’est de saison ! : j’ai illustré toutes les pages de fruits et légumes de saison mois après mois.

 

CMCL : Quels sont les illustrateurs que vous aimez ?

FD : Il n’y a pas longtemps, je suis allée voir l’exposition de Joanna Consejo à la galerie Robillard. J’étais subjuguée par ses dessins. Ça fait longtemps, avant de faire moi-même des livres, que j’avais vu ses illustrations et qu’elles me plaisaient. J’aime aussi Agathe Singer, dont je viens d’acheter une reproduction chez Sergeant Paper.

 

CMCL : Qu’est-ce qui vous inspire ?

FD : Ce sont les rêves.  Imaginer des histoires me nourrit, ça a un côté thérapeutique.  Ça me permet de pousser l’introspection. Après, les imprimés fleuris m’inspirent beaucoup, le côté un peu kitsch des intérieurs aussi, par exemple comme ceux qu’il y a chez mes grands parents (sourires).

Un grand merci à Fanny Ducassé !